Rapport d’expertise : opposabilité à l’assureur

Rapport d’expertise : opposabilité à l’assureur

Le Cabinet GOGUET est le Conseil habituel d’une Compagnie d’assurance.

A ce titre, il revient sur l’actualité relative à l’opposabilité du rapport d’expertise à l’assureur partie au procès pénal.
Le 08 juin dernier, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt qui doit retenir l’attention. (Civ. 2e, 8 juin 2017, F-P+B, n° 16-19.832).
Elle a précisé le droit applicable à l’opposabilité d’un rapport d’expertise établi de façon non-contradictoire.

L’affaire en référence

Une automobile avait percuté un véhicule en circulation.
Des dommages corporels en sont résultés.
L’automobiliste auteur a été pénalement condamné tandis que les passagers du véhicule percuté ont été indemnisés par son assureur.
En revanche, l’assureur du conducteur a excipé de la nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration intentionnelle de son assuré.
Dès lors, c’est l’assureur de la victime qui a mis en oeuvre une action récursoire à l’encontre de l’assureur de l’auteur dans le but d’obtenir le remboursement des indemnités versées.

L’assureur de la victime a été débouté

aux motifs qu’il lui appartenait de mettre en cause l’assureur du conducteur dans la procédure pénale conformément aux dispositions de l’article 388-2 du code de procédure pénale.

Rien de surprenant dès lors que la mise en cause de cet assureur doit être faite dix jours au moins avant l’audience correctionnelle.
Selon les premiers juges, le juge de première instance pouvait s’abstenir de prendre en compte les opérations d’expertise destinées à évaluer le montant des dommages de la victime.


La Cour de cassation a censuré cette décision

En effet, elle décide que l’assureur a eu la possibilité de répliquer aux conclusions de l’expertise judiciaire, en sorte qu’il ne pouvait pas soutenir leur inopposabilité.
Le motif de cassation est donc basé sur le droit à la contradiction.
Droit qui constitue l’un des « principes fondamentaux » du code de procédure civile (C. pr. civ., art. 14 s.).

L’exigence du contradictoire devrait toujours s’appliquer au rapport d’expertise.

On le constate à l’épreuve de l’article 160 du code de procédure civile qui dispose que les parties doivent être convoquées aux mesures d’instruction, ou de l’article 162 qui prévoit que celui qui représente ou assiste une partie devant la juridiction qui a ordonné la mesure peut en suivre l’exécution, quel qu’en soit le lieu, formuler des observations et présenter toutes les demandes relatives à cette exécution même en l’absence de la partie.

Il apparaissait donc que le rapport d’expertise produit en méconnaissance de ce principe devait nécessairement affecté d’un vice.
Cette décision s’inscrit cependant en opposition à des arrêts plus anciens qui estimaient que le rapport d’expertise judiciaire demeurait exploitable par le juge à titre de renseignement et pouvait même fonder sa décision à condition que les informations qu’il contenait soient corroborées par d’autres éléments de preuve (Civ. 2e, 23 oct. 2003, n° 01-15.416, Bull. civ. II, n° 323 ; D. 2003. 2729 ; AJDI 2004. 216, obs. H. Heugas-Darraspen ; 10 juin 2004, n° 02-17.215).

Cette décision est donc audacieuse dans la mesure où la méconnaissance du contradictoire constitue une irrégularité de forme qui nécessite en tant que telle la démonstration d’un grief.

La cour a posé une nouvelle pierre

Désormais il importe peu que l’assureur n’ait pas été partie à l’instance au cours de laquelle l’expertise a été exécutée, dès lors que les conclusions du rapport d’expertise avaient été portées à sa connaissance.

Si aucune infraction ne peut être constater à son endroit, le rapport d’expertise  lui est opposable.

 Cette décision, pour nouvelle qu’elle soit, n’est pas sans décrire un mouvement désormais constant de la cour régulatrice.

Car elle dénote une inclinaison à s’accoutumer des plis au contradictoire lorsque les expertises ont simplement pu être discutées.

Plus fort, depuis ce nouvel arrêt, on constate que la règle n’est pas réservée aux seules parties à l’instance mais qu’elle s’applique à tous ceux qui, sans être parties, n’en sont pas moins concernés par l’affaire.

La position du Cabinet GOGUET est donc claire : l’assureur en responsabilité doit désormais toujours répliquer aux conclusions de l’expertise dès lors qu’il en a la possibilité car ce rapport d’expertise  lui sera opposable, qu’il soit ou non partie au procès.

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